C’est dans le cadre de la campagne Adoptez un musicien! que j’ai été invitée à découvrir et interviewer la violoniste Catherine Dallaire.
Orchestrée par le Conseil québécois de la musique, cette campagne ultra sympathique vise à faire découvrir les musiciens d’ici, leurs musiques et leurs passions. Allez savoir pourquoi, on a pensé à moi pour vous présenter une virtuose… de la cuillère de bois.
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Ses mains sont précieuses. Mues par un inexplicable don de l’âme, elles savent glisser l’archet presque langoureusement sur les cordes du violon, faisant s’élever la plus romantique des musiques ou, au contraire, s’emportent dans un violent va-et-vient trahissant toute la rage d’un compositeur devenu sourd…
Catherine Dallaire est violon-solo associé à l’Orchestre symphonique de Québec. Et on serait en droit de penser que ces mains si talentueuses, elle les protège à tout prix. Pourtant, cette foodie engagée choisit plutôt, été après été, de les plonger avec impudence dans la terre noire du potager qui fait sa fierté.
«De toute façon, je suis madame Fais-toi-mal, révèle-t-elle en riant, je n’arrête pas de me blesser, dans mon potager ou ailleurs. Voilà deux semaines à peine, je me suis pelé un doigt en préparant une rabiole. La rabiole a roulé dans l’évier et l’économe a continué dans mon doigt. Et, bien sûr, c’était la journée de la générale de Madame Butterfly, c’est toujours dans ce temps-là. Je n’ai pas joué pendant deux jours… Finalement, je suis allée à la pharmacie pour demander au pharmacien si ça pouvait être dangereux de mettre de la Crazy Glue. Et j’ai trouvé de la colle au rayon des faux ongles! J’ai acheté de la super heavy duty glue pour celles qui portent des faux ongles — ce n’est pas mon cas, dans mon métier, je ne peux pas — et je me suis recollé l’ongle en mettant une goutte directement sur la peau.» Ouch.
Au départ, rien ne prédestinait pourtant Catherine Dallaire au métier de violoniste. «Mon père n’avait aucune oreille, mais ma mère chantait tout le temps. Chez nous, tous les enfants ont étudié la musique sans attente aucune. Mon grand frère jouait du violon, alors je voulais faire comme lui, mais ma mère a refusé et m’a fait attendre jusqu’à quatre ans et demi. Alors, je prenais un poêlon avec un long manche, une cuillère de bois et je disais que je « jouais du poêlon ».» Quand elle a commencé à étudier le violon, la question ne s’est jamais posée à savoir si elle en ferait un métier : «J’étais dans ma bulle. Je mettais des disques de grands violonistes et je faisais semblant que c’est moi qui jouais. À partir du jour où on a mis un violon dans mes mains, je n’ai jamais arrêté.» C’est dans l’interprétation de la musique classique que cette virtuose se réalise. Si elle admire le violon traditionnel, et encore plus les improvisations jazz, elle s’avoue incapable d’en jouer. À tel point qu’elle voit, dans le violon classique et le violon-rigodon, deux instruments carrément différents…
Aujourd’hui, l’élève est devenue la professeure, au Conservatoire de Musique du Québec, où elle prépare la prochaine génération de violonistes, une tâche qu’elle prend très à cœur. Plusieurs de ses «anciens» œuvrent d’ailleurs dans de grands orchestres, dont celui de Québec. Parions qu’ils ont dû adorer cette enseignante qui entretient une relation, hum, peu orthodoxe avec la musique:
«J’ai toujours associé le son à des couleurs, des odeurs, des formes, jamais des notes. Ils évoquent des sensations, des goûts, des mots, des feelings charnels. Les sons ont une couleur. Je n’irais pas jusqu’à dire que le do est mauve, mais tel amalgame de notes doit donner tel son, telle couleur. Je les « vois » même devant moi. Apparemment, c’est une maladie, réfléchit-elle à voix haute, mais bon je ne sais pas… Pour moi, apprendre la musique note pour note, ça n’a aucun sens. Quand je dois apprendre un morceau, je le fais à travers les formes, les personnages et l’histoire, jamais en enfilant les do-ré-mi.»
Pour se détendre et abandonner derrière elle la minutie de son métier, Catherine Dallaire se tourne, année après année, vers l’immense potager derrière sa maison. Ici, chaque été, elle ensemence les légumes les plus fous et les variétés les plus anciennes, souvent dénichés auprès d’horticulteurs ayant pignon sur les chemins de traverse au fin fond de la campagne québécoise. «Je magasine surtout chez Semences du monde, une boutique à Saint-Meumeu-des-bœufs très très loin, où ils offrent entre autres 180 sortes de tomates différentes!»
Une partie du butin annuel de cette foodie qui a la folie des grandeurs potagères et la générosité des cordons-bleus de chez-nous. Pour les néophytes comme moi, l’immense fleur est celle… d’un artichaut!
Cette année, elle a planté du céleri (mais n’a pas aimé l’expérience), des pommes de terre, deux sortes d’aubergines, des poivrons de toutes les couleurs, des piments bananes et d’Espelette, des concombres libanais et des concombres citrons (qui se mangent comme une pomme, dit-elle), des tomates cherokee presque bleues vraiment belles et charnues, des tétons de Vénus (!) qu’elle avoue avoir achetées à cause du nom et qui n’ont pas déçu, des tomates bananes, des courgettes en trois couleurs… À la fin de l’été, elle cuisine tout ce qu’elle peut et transforme le reste en conserve. «Ma production ne suffit pas toujours. Alors, l’an dernier, j’ai même acheté trois cageots de tomates italiennes au marché pour pouvoir cuisiner 42 litres de sauce tomate!»
Bien que ses deux enfants soient devenus végétariens (avec une maman aussi douée dans le potager, on se doute pourquoi), la violoniste s’avoue résolument carnivore: «J’adore la viande, quoique je n’en mangerais pas tous les jours. Le steak-patates, c’est pas pour moi, mais je ne mangerais pas non plus du tofu tous les jours. Je suis très agneau, aromatisé avec le romarin que je fais pousser à la maison. D’ailleurs, dès que les enfants sentent le romarin, ils font bêêêhhh… Sur l’heure du midi, je vais surtout me préparer une salade ou une pissaladière.» Son conjoint étant londonien, on cuisine beaucoup à la méditerranéenne et à l’indienne à la maison. Quand ce n’est pas à la végétalienne! «Une copine de ma fille, qui est végétalienne, est venue souper un soir. Puis, des amis se sont ajoutés et, c’est toujours comme ça chez nous, ça prend pas de temps qu’on était 14 à table. Alors, on a improvisé un menu végétalien indien pour tout le monde.»
De son propre aveu éprise de «food porn», elle se dit incapable de suivre telle quelle la recette dénichée dans un livre de cuisine, prônant le toutski maison. Pourtant, elle n’a pas grandi dans une famille foodie: «Je viens de Chicoutimi. Jeune, je mangeais des doigts de porc avec des nouilles, vraiment pas très varié comme menu. Puis, quand j’ai eu dix-sept ans, je suis partie jouer du violon à Banff. C’est là que j’ai découvert les avocats, je ne savais même pas que ça existait à l’époque. J’y ai aussi découvert le yogourt, imaginez, le yogourt!»
Enfin, avis aux gastronomes de Québec, ses restos préférés sont L’Affaire est ketchup et Panache : «À L’Affaire est ketchup, faut pas arriver 10 minutes avant l’heure de réservation, sinon ils te mettent dehors, tellement y a pas de places, à peu près une douzaine de tables maximum. Ils cuisinent sur deux vieilles cuisinières du genre Moffatt. Ils font une sorte de criée générale pour annoncer le menu, tout le monde commande en même temps. Si tu prends pas d’entrée, tu vas attendre que les autres aient fini la leur. Mais c’est vraiment le fun, très convivial. J’aime bien aller au Panache aussi mais pas trop souvent, ça coûte plus cher», termine-t-elle en riant.
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