Québec: Patente et Machin

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Été 2014: Pour les besoins du livre La cuisine de mon enfance, dont j’étais à la fois l’éditeure déléguée et la rédactrice, je suis «montée» à Québec comme on dit. Au programme, des entrevues avec les chefs Jean-Luc Boulay (Saint-Amour), Louis Trudeau et Thania Goyette (Pied bleu). Au menu, quelques sorties restos, bien sûr, question de découvrir un milieu en pleine ébullition.

Longtemps distancée par Montréal la multiculturelle, Québec était plutôt chiche avec ses gastronomes locaux. Je me souviens d’un voyage dans les années 80 où l’offre table blanche se limitait pas mal à la table de Serge Bruyère (où j’ai mangé mon premier canard à l’orange), au Château Frontenac et au Saint-Amour. Aujourd’hui, Québec brille de tous ses feux, du Bistro B, à L’Affaire est ketchup, le Quai 19, La Tanière et cie. Seule ombre au tableau, les restos ethniques qui se font toujours aussi rares et rarement convaincants.

Tant qu’à posséder un réseau «social» plutôt étendu, j’ai donc lancé un appel à tous sur Facebook et Twitter: vous mangeriez où à Québec si vous étiez moi? Les suggestions ont fusé de toutes parts. Avec mes deux gars difficiles — et surtout difficiles à convaincre de quitter la chambre d’hôtel —, le choix final s’est porté sur des restos ouverts aux réservations de dernière minute dont Bistro SSS, Panache Mobile et Patente et Machin.

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La célèbre taverne Jos. Dion juste en face, dont même cette petite Montréalaise avait entendu parler…

 

C’est dans le quartier Saint-Sauveur en pleine effervescence que Patente et Machin, de la même équipe que L’Affaire est Ketchup, a installé ses pénates. À une certaine époque, on aurait dit du lieu qu’il se veut baba cool, aujourd’hui le mot d’ordre est «hipster»: déco déjantée avec tables de bois bancales (allô les cartons d’allumettes) et trophée O’Keefe aux murs, grande ardoise où s’affichent — et s’effacent au fur et à mesure — les plats du jour, musique plutôt tonitruante qui force à se pencher vers ses compagnons de table pour jaser…

 

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Après m’être bidonnée devant les parodies vidéos de hipsters sur YouTube avec leurs tuques sur la tête, barbes longues, multiples tatouages, t-shirts génériques et bottes de bûcheron, je me retrouve pour la première fois devant le homo hipsterus incarné, en version été chaud et en duplicatas à part ça. Aucune fille à l’horizon, que des gars de gars devant et derrière le comptoir. Ah tiens.

L’un d’entre eux se pointe nonchalamment pour nous expliquer le menu. Les machins, ce sont les entrées. Les patentes servent à désigner les plats principaux. Et les plats qu’on commande à plusieurs se nomment, cohérence oblige, des grosses patentes. Notre serveur nous défile chaque plat en détail, la quinzaine d’entre eux, au point où nous n’arrivons même plus à suivre. Médusés, nous haussons les épaules et faisons notre choix à la va-je-te-pousse dans l’esprit de la maison.

 

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Le Baloney pour les bruncheux dans l’âme: baloney aux pistaches maison, œuf sous vide (à veille de perdre son photogénisme), hollandaise et PDT sautées.

 

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Le Champi, un machin que nous avons partagé à deux. Je l’aurais dévoré fin seule.

 

Alors, c’était comment, vous demandez? Très très bon quoique inégal. Les champignons sauvages sautés frôlaient la perfection, n’eut été du sel trop présent. Si le blanc de l’œuf mollet cuit sous vide s’est transformé en «gue» après la photo (description de fiston fana de Trashpack), le jaune soyeux et le baloney maison faisaient des envieux à notre table et même celle d’à côté. Quant à la grosse patente de jarret de porc et légumes racines, le tout bien gras et bien fondant, elle a mené à des négos nonchalantes. Le clou du souper? Leur déjà célèbre dessert de pouding chômeur chaud, gratiné au vieux cheddar, jouissive combinaison de sucre, de gras et de sel que j’aurais volontiers gardée pour moi… mais que j’ai dû partager après quelques bouchées approchant l’overdose de cochon. À classer dans la catégorie «Bon à rendre malade», lol.

Plusieurs m’ont vanté l’ardoise des vins du resto, mais après une journée à siroter des cocktails sur le bord de la piscine au Château Bonne-Entente, nous n’avions pas le goût de plonger dans une bouteille. Si vous avez le coude plus élevé que moi, prévoyez en conséquence, ça vaut la peine.

 

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La Grosse patente, un jarret de porc aux légumes, servi avec de grosses cuillères. Accident garanti entre le plateau et votre bouche, mais tout ce qu’un braisé devrait être.

 

Le pouding chômeur au vieux cheddar. Aussi gras et irrésistible qu’il en a l’air.

 

Une top blogueuse de Québec m’avouait qu’elle ne recommande plus Patente et Machin, qu’elle affectionne, parce que la cuisine y est trop inégale. Par contre, «quand c’est bon, c’est très bon», m’a-t-elle écrit. Dans la mesure où notre famille sort au resto toutes les semaines, nous passons de très exigeants à plutôt indulgents selon l’honnêteté qui se dégage du travail en cuisine. Malgré les quelques failles techniques, la générosité et l’authenticité des assiettes, l’atmosphère bon enfant et la chaleur de l’accueil ont plus que convaincu. J’y retournerais sans hésitation. Mon genre de patente, quoi.

Infos:

82, rue Saint-Joseph Ouest, Québec, G1K 1W8

(581) 981-3999

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