J’ai perdu la majeure partie de mon odorat voilà plus de dix ans, ce qui veut dire que je détecte les saveurs, mais je peine à discerner les arômes. Comme plusieurs personnes souffrant d’anosmie, le nom scientifique de la perte d’odorat, j’ai graduellement adopté une table aux saveurs plus corsées qui allument mes papilles malgré mon nez indifférent. Avec le temps, la cuisine thaïe s’est hissée parmi mes préférées, tout comme celles de l’Inde, du Mexique et du Sichuan. Parfois, je ne me rappelle même plus la dernière fois que j’ai pu manger une bavette ou une vichyssoise.
Comme la soupe Tom Yum aigre-douce qui chevauche les cuisines thaïe et laotienne, la soupe Tom Kha Gai est un incontournable des menus asiatiques. Son nom veut littéralement dire «Soupe au poulet galangal», soit Tom (bouillir/soupe), Kha (galangal) et Gai (poulet). Ses ingrédients comptent parmi les plus typiques de la table thaïe: lait de coco, citronnelle, gingembre ou galangal, lime, piments oiseaux, sauce de poisson et coriandre fraîche. Cette version m’a été inspirée par la démo du super mélangeur The Boss by Breville l’automne dernier, dont je vous parlais ici. Je l’ai adaptée pour la cuisson dans une casserole au lieu d’un mélangeur qui fait tout le travail pour vous et réchauffe même le produit fini.
Sans être brûlante, la soupe Tom Kha Gai réchauffe et réconforte. Vous la voulez un brin piquante pour relever les saveurs. Vous pouvez utiliser moins de piments oiseaux durant la cuisson si certains convives n’aiment pas la cuisine très relevée, quitte à proposer au service un filet d’huile de chili maison ou du commerce. Cette version de la Tom Kha Gai est délicieuse, fraîche et épicée à la fois. Sa saveur complexe se bâtit un ingrédient à la fois pour titiller vos papilles, qu’elles soient plus sensibles à l’amer, au sucré, au piquant, au salé … ou à l’umami. À chacun de jouer les saveurs selon ses préférences. Vous aimez une soupe plus aigre que douce? Ajoutez du jus de lime. Plus salée? Ajoutez de la sauce poisson (mais pas trop tout de même, sinon son goût fermenté dominera désagréablement). Vous êtes accro aux chillis? Pas de gêne, écrasez vos piments oiseaux pour libérer leur piquant.
La plus grande difficulté posée par la Tom Kha Gai n’est pas de la cuisiner, mais de trouver les ingrédients auprès de chez soi! Quoiqu’aucun ingrédient ne remplace véritablement le galangal qui donne son nom à la soupe, il est possible d’utiliser du gingembre, n’en déplaise aux puristes. Oui, cela changera du goût traditionnel de la Tom Kha Gai, mais sera tout aussi délicieux et éclatant au final. Même chose pour les feuilles de lime kaffir, auxquelles on peut substituer du jus et du zeste de lime frais (par contre, je trace la ligne aux feuilles séchées, faut croire que j’ai mes limites puristes à moi aussi).
Si les ingrédients utilisés sont difficiles à trouver dans votre patelin, sachez que le gingembre, la citronnelle et les feuilles de lime kaffir se congèlent tous très bien et peuvent s’acheter en plus grande quantité. Vous voulez congeler la main (racine) de gingembre entière et l’utiliser au besoin. Elle se pèlera aisément en la grattant avec la pointe d’une cuillère et se râpe, pelure et tout, directement dans la casserole à l’aide d’une microplane. Fraîche ou congelée, la citronnelle se travaille essentiellement de la même façon. Retirez les feuilles externes et coupez le bout de façon à garder et à cuisiner seulement la partie pâle de la citronnelle. Pour les feuilles de kaffir, déposez-les sur une plaque pour les faire congeler individuellement, puis transférez-les dans un sac Ziploc; elles perdront un peu de leur parfum au congélo, mais ça clanche les feuilles séchées et ça évite le gaspillage…
Au bout du compte, cette soupe prend autour de 30 minutes à préparer et n’est pas plus compliquée qu’une crème de légumes traditionnel. Si vous ne connaissez pas beaucoup la cuisine thaïlandaise, ou que vous aimez d’amour ce plat mais n’osiez pas vous risquer, voilà une jolie recette pour briser la glace. Taan hâi a-ròi!
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